1938-2016
Enfant, je me disais que tout est possible puisque c’est
l’exemple que tu me donnais : tu trouvais toujours une solution à chaque
problème qui survenait dans ta vie.
C’est toi qui réparais les téléviseurs quand papa était
incapable d’y arriver lorsque vous aviez votre commerce d’appareils
électroniques à Chûtes-aux-Outardes. J’étais très fière de toi : ma mère
est la première femme au Québec à être « électronicienne ». Ouf !
Lorsque je venais te voir à ton bureau pour que tu m’aides à
faire mes devoirs de mathématique et que je te prenais à faire la comptabilité
de la journée, je me disais que tu allais me donner tes mille et un trucs pour
que je devienne comme toi : une experte en calcul.
À la maison, j’étais fascinée par tes « pouvoirs » que je ne manquais jamais de venter
à mes amies : « Ma
mère ‘’ fabrique ‘’ du pain. Elle sait aussi se servir d’un marteau, d’une
scie à onglets, d’un gallon à mesurer. Pour ma mère, changer une fenêtre, c’est comme faire une
tarte : c’est facile à faire. Mais
ça, ce n’est rien ! Elle peint des paysages sur des toiles et fabrique des
maisons de poupée. Donne-lui quelques mouchoirs, une épingle à cheveux, et elle t’en fait une fleur. Oui, ma mère sait tout faire ! »
Adolescente, je te trouvais dure : « Prépare la pâte à pizza, Manon. N’oublie pas
de remplir la boîte à bois de buches1 pour que tu puisses allumer le poêle à bois demain matin. Va nourrir les animaux à cinq heures le matin. Fais la vaisselle
avec ta sœur après le souper. Passe la tondeuse. Désherbe le jardin. »
Durant
mes années d’étude, je t’en voulais : « Tu es capable de t’arranger
sans moi, Manon. Débrouille-toi. Je ne peux t’aider financièrement. Tu
trouveras une solution à tes problèmes. Trouve-toi un boulot d’été. Ramasse tes
sous pour tes études. »
C’est
beaucoup plus tard que j’ai compris ce que tu as fait : tu m’as obligée à
devenir une femme responsable. Une femme responsable de ses choix. Tu m’as
incitée à croire en moi, à croire en mes talents. Tu m’as montré à voir la vie
dans tous ses aspects, notamment lorsqu’elle se sert de ses gros souliers
pointus : elle fesse, et il faut alors savoir s’y préparer pour pouvoir en
sortir grandi. Aujourd’hui, j’ai compris combien c’est précieux d’avoir une
mère.
Demain,
l’on se verra une dernière fois. Demain, l’on se fera une dernière embrassade,
et je te laisserai ensuite partir pour ton éternelle demeure.
Je
te promets d’être une grande dame, ici-bas, maman. Je te promets de continuer à
être une femme bienveillante. Je te promets de te faire honneur et de mettre, à
bon escient, tous les talents que tu m’as transmis.
Je
t’ai toujours aimé, maman. Et je continuerai à t’aimer éternellement. Merci de
m’avoir donné la vie !
1. Nouvelle orthographe