« LE FRANÇAIS, C’EST UNE VRAIE
VACHERIE […] ! »
Effrayé par le sort incertain que
l’avenir réserve à son garçon, le père d’un de mes élèves, épuisé par les
mille démarches qu’il a entreprises pour aider son fils sur ses apprentissages
du français, est sans retenue lorsque je lui annonce que son garçon accuse
beaucoup de retard sur ses apprentissages : « Le français, c’est
une vraie vacherie pour mon fils », me lance-t-il. « Eh bien, vous n’avez
pas tout à fait tort ! » lui répondis-je, en cherchant à le calmer.
Son fils, qui est aux prises avec
un TDA(H), est en deuxième secondaire. Il accuse trois années de retard sur ses
apprentissages du français et il veut que je lui fasse arriver un miracle. L’adolescent
en question croit qu’il va enfin comprendre ce qu’il lit, notamment ses textes
narratifs, et qu’il va savoir bien écrire ses textes explicatifs comme par
magie parce qu’il vient me voir une fois par semaine. La vérité est qu’il est
trop occupé du lundi au vendredi pour mettre en pratique ce que je lui
enseigne. Il faut dire que son agenda est plein à craquer, car il étudie dans
une école privée Sport-études : « J’ai une compétition la fin de
semaine prochaine. Je dois donc m’entraîner beaucoup d’ici là. » Je suis
toujours surprise d’entendre ce genre d’argument de la part d’un jeune. « C’est
comme vouloir tirer un pet d’un âne mort, jeune homme ! » dis-je à
mon élève à titre de contre-argument. « C’est impossible, autrement dit,
car, pour reprendre le retard sur tes apprentissages, entre autres, l’écriture
de tes textes, tu dois t’y mettre. Tu dois y mettre du temps, parce que
l’écriture est comparable à une discipline sportive : il faut se pratiquer
pour devenir bon. Un point, c’est tout. »
« QUAND JE M’ARRÊTAI, JE
DÉGOULINAIS DE SUEUR ! »
Le fait est que, si l’on parvient
à redresser les apprentissages d’un apprenant sur sa compréhension de texte,
non sans peine, je l’avoue, il s’agit d’une affaire plus sérieuse lorsqu’on
parle d’écriture. En fait, je la comparable « au marathon du désert » :
il faut développer de la persévérance et de l’endurance pour atteindre la ligne
d’arrivée. C’est d’ailleurs ce que leur dirait Stephen King, aux jeunes, s’il
avait à leur prodiguer un conseil, et pour cause !
À l’été 1999, cet auteur
prolifique a été renversé par le Van d’un chauffard. Il n’a donc pas écrit une
seule ligne le mois suivant son accident. Lorsqu’il s’est remis à l’écriture, ç’a
été la catastrophe : « La première séance […] dura une heure quarante. […] Quand je
m’arrêtai, je dégoulinais de sueur. […] On aurait dit que c’était la
première fois de ma vie que j’écrivais. […] J’avançais d’un mot à l’autre comme
un très vieil homme se frayant un chemin sur les pierres immergées et disposées
en zigzag d’un gué. […] Certains jours, c’était une corvée, une
épreuve sinistre. […] Les mots commencèrent à arriver plus
facilement au bout d’un moment.1 » Cela démontre que rien n’est
acquis sur l’écriture, et les romanciers n’y font pas exception !
En conclusion, chers parents, usez de
votre créativité pour inciter vos enfants à vous écrire des textes.
Faites-vous, par exemple, un journal familial où tout un chacun écrit les « faits
saillants » de la journée. Qui sait ? Peut-être découvrirez-vous enfin
l’auteur de l’étrange personnage nocturne qui laisse des miettes de biscuits sur
le parquet de votre salon !
1.
Stephen KING, Écriture Mémoire d’un métier, Allemagne, Albin Michel, 2000, p.
319-320.
Manon Éléonor Rossignol,
Chercheuse indépendante en enseignement du
français par des processus métacognitifs pour
l’apprenant TDA(H)
Rédactrice, correctrice-réviseure,
Romancière
manoneleonor.blogspot.ca