Arrivé au
secondaire, l’apprenant TDA(H) voit sa vie basculer : il entre dans la période de
l’adolescence et les exigences scolaires sont plus grandes, deux réalités qui
l’éprouvent au quotidien et qui l’ébranlent, notamment sur son estime de lui.
Et, comme pour lui compliquer les choses, la puberté vient exacerber son
trouble oppositionnel, une réalité que vit tout apprenant TDA(H). Que se passe-t-il
alors sur ses apprentissages en français ? Les réflexes qu’il a développés
durant son primaire font figure de proue. Dans cet article, il est question des
compétences que doit acquérir un apprenant TDA(H) en français avant la fin de ses
études primaires pour pouvoir réussir ses études secondaires et des raisons
pour lesquelles il doit y parvenir à tout prix. Il n’y a pas à s’en sortir de là.
C’est une condition sine qua non à la
réussite de ses études secondaires.
L’OPÉRATION COGNITIVE IMPLICITE À LA COMPRÉHENSION D’UN TEXTE : L’INFÉRENCE
La lecture et la
syntaxe sont les deux compétences qu’un apprenant TDA(H) doit acquérir au primaire.
D’abord, la
lecture est le talon d’Achilles d’à peu près tous les TDA(H). Ce qu’il faut
savoir est que près de 80 % des éléments composant un roman font l’objet
d’inférence, soit la déduction, cette activité mentale qui permet de passer
d’une assertion, appelée prémisse, à une nouvelle assertion qui en est la conclusion.
Or, chez l’apprenant TDA(H), cette opération cognitive se produit difficilement.
Et pour cause. L’inférence implique le recours à l’interprétation d’un fait. Le
principe est le suivant : lorsqu’on a recours à l’inférence, on ajoute une
information à un fait ou à une réalité présente pour en interpréter le sens.
Autrement dit, pour interpréter le sens d’une réalité, il faut placer en
contexte les éléments qui composent cette réalité. À titre d’exemple, imaginez
un cortège de voitures de patrouille qui circulent sur une rue bordée de
policiers armés et faisant le pied de grue de part et d’autre des trottoirs,
suivi d’une limousine aux vitres teintées. Très vite, vous en viendrez à la
conclusion qu’un personnage éminent se trouve à l’intérieur de la limousine, puisqu’on
y a déployé des mesures importantes de sécurité. Ce processus mental ne se
produit pas aussi facilement pour l’apprenant TDA(H). En effet, l’on observe chez
l’enfant TDA(H) un retard de développement de l’hémisphère de son cerveau droit,
cette partie du cerveau de l’humain qui représente, entre autres, la
capacité qu’a un individu à utiliser ses connaissances en général pour déduire
une réalité sous-entendue d’un fait, opération cognitive à laquelle l’on doit
constamment recourir lorsqu’on lit un livre. En somme, lorsqu’un apprenant TDAH
lit un roman, il en comprend mal 80 % des éléments, lesquels s’interprètent à
partir d’un contexte.
Ensuite, il y a
une tendance en éducation spécialisée qui rend difficile le redressement de la
lecture chez l’apprenant TDAH : l’usage de la carte mentale, cet outil qui
permet à l’apprenant d’émettre ses idées qu’il jette sur papier, un peu comme
un remue-méninge, qu’il répertorie sur une feuille de papier au centre de
laquelle il dessine un noyau à partir duquel il trace des lignes qu’il prolonge
vers l’extrémité de la feuille, en lui donnant l’aspect d’un arachnide.
Bien qu’elle soit
un outil très utile à d’autres aspects du français, en lecture, la carte
mentale est peu efficace, voire nuisible, pour l’apprenant TDAH, notamment pour
l’apprenant au primaire.
En effet, au
primaire, l’apprenant doit apprendre à organiser ses idées lorsqu’il lit un
roman à l’étude. En fait, à partir du 5e primaire, on l’introduit au
schéma narratif qu’il doit apprendre à maîtriser, soit la situation initiale,
l’élément déclencheur, les péripéties, le dénouement et la situation finale, procédé
d’écriture qui lui permet de résumer l’histoire d’un roman. À ce sujet,
l’apprenant doit aussi apprendre à utiliser une technique d’annotation appelée PLATO, acronyme signifiant personnages, lieux, actions, temps et objets.
Cette méthode d’annotation lui permet rapidement de repérer tous les éléments
importants de chacune des composantes du schéma narratif dans chacun des
chapitres d’un roman, éléments dont il se sert pour rédiger son résumé. Autrement
dit, la carte mentale incite l’apprenant TDA(H) à donner libre cours à ses idées
alors qu’en réalité on lui demande d’apprenne à les organiser de manière
précise et concise. Comme résultat : l’apprenant à qui l’on prodigue cet
outil de travail au primaire s’oppose avec véhémence à tout outillage qui
l’incite à organiser sa pensée.
En résumé,
lorsqu’un apprenant lit un roman, il parvient peu à comprendre 80 % des éléments qui le composent, et on l’incite
à mal organiser le peu qu’il en comprend, en lui fournissant un outillage peu
efficient dans un contexte où l’on cherche à redresser ses apprentissages en
lecture. Pas étonnant qu’il ait la lecture à repousse-poil.
Enfin, la syntaxe,
cette compétence en français qui relève de l’écriture, soit savoir bien écrire
une phrase. Au primaire, le professeur n’enseigne pas la syntaxe aux
élèves. Et il ne le fait pas parce qu’il n’a pas appris à le faire lors de
sa formation universitaire et que ce n’est pas une compétence qu’on lui demande
d’enseigner. Aussi, si l’apprenant ‘’ régulier ‘’ parvient en s’en tirer
sans cet enseignement, c’est une toute autre paire de manches pour l’apprenant
TDA(H) dont les textes sont truffés d’erreurs de syntaxe. À ce sujet, il n’est
pas rare de voir des phrases composées d’une proposition subordonnée dans les
textes d’un apprenant TDA(H), notamment la circonstancielle, sans sa proposition
principale. À titre d’exemple, l’on y observe des phrases telles que lorsqu’il entre dans le château, ou
encore, quand il viendra, lesquelles
rendent ses textes incompréhensibles.
Autrement dit,
penser qu’un apprenant TDA(H) puisse à lui seul résoudre ce problème relève de la
fiction. Seul un enseignement spécialisé peut lui permettre de redresser la
barre, lequel l’on doit nécessairement lui prodiguer par la métacognition,
l’enseignement de la syntaxe n’étant pas une mince affaire à réaliser.
LE SABLE COULE DANS LE SABLIER
Jusqu’ici, l’on
n’a pas parlé de techniques et de réflexes d’écriture. En fait, ce qu’il faut
comprendre est que l’acquisition d’une compétence en français pour un apprenant
TDA(H) passe par un processus d’assemblage, lequel lui permet de consolider une
compétence, un défi de taille pour le tuteur spécialisé en métacognition. En
effet, après avoir pallié le problème de syntaxe de l’apprenant, le tuteur doit
l’amener à désapprendre les réflexes d’écriture qu’il a développés par instinct
de ‘’ survie ‘’ au cours de ses premières années scolaires, lesquels
le pénalise sur son autocorrection. Ensuite, le tuteur doit l’entraîner à se
servir de méthodes d’écriture efficientes, période au cours de laquelle il lui
enseigne des stratégies visant à acquérir du lexique, notamment en l’amenant à
développer des banques de mots. C’est aussi au cours de cette période qu’il lui
enseigne toutes les parties du plan d’un texte d’opinion et qu’il lui montre à
en écrire avec efficience. Est-ce tout ? Non. Le tuteur doit aussi développer
des réflexes d’usage sur toutes les parties du plan du texte d’opinion. Seulement
ensuite, il passe à l’étape d’assemblage de toutes ces composantes.
Somme toute, redresser
les apprentissages d’un TDA(H) est une lourde tâche pour le tuteur de français spécialisé
en métacognition, tant sur le plan de la lecture que sur le plan de l’écriture.
Qui plus est, le tuteur a peu de temps pour l’accomplir, car, d’une part, le
spatio-temporel, soit l’espace-temps scolaire, est court, d’autre part,
l’adolescence, qui s’amène à grand pas à partir du 6e primaire, lui rend
très vite la tâche impossible sur le reconditionnement de l’apprenant, le
trouble oppositionnel de ce dernier commençant alors à s’exacerber.
En conclusion, les
grains de sables qui restent dans le sablier sont comptés pour le parent
lorsque son enfant entre dans la période de son adolescence, car, si celui-ci parvient
par miracle à franchir le cap du troisième secondaire, rendu là, l’adolescent abandonne
très souvent l’idée de compléter ses études secondaires, le redressement de ses
apprentissages en français lui apparaissant dès lors insurmontable. Le parent
doit donc réagir vite. « Que doit-on faire ? » me demande le parent,
désemparé, lorsqu’il m’entend dire ces propos. « Soyez proactif. Réagissez
avant que votre enfant entreprenne ses études secondaires. Faites en sorte
qu’il devienne compétent tant en lecture qu’en écriture. » C’est en effet
la formule gagnante pour l’enfant TDA(H). En fait, c’est l’unique voie. La voie qui
lui donne accès à la liberté de choix sur son avenir.
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