CHER GUMBY, J’AI ACCOMPLI UNE PARTIE DE MA MISSION !
Cher
Gumby, mon Être-Suprême-Intérimaire-De-Dieu.
Puisque
je n’ai toujours pas réglé la question de mes croyances religieuses et que je
ne désire pas m’adresser à Dieu, je fais à nouveau appel à toi.
Si tu te
souviens bien, à cette période-ci, l’an passé, j’avais fait pleurer un
adolescent TDA(H), et ça m’avait bouleversée : les yeux remplis de larmes, Max
m’écoutait avec attention lui annoncer qu’il accusait plusieurs années de
retard sur ses apprentissages en français. Quatre ans de retard en lecture et
en écriture, à vrai dire.
Lorsqu’il
est sorti de chez moi, j’ai pleuré. J’ai pleuré parce que, bien qu’on me
prétende le Département-Des-Miracles, j’avais peur de ne pas être à la hauteur
des attentes de Max. De plus, j’avais l’impression d’avoir enfilé une chape de
plomb sur mes épaules puisque Max réalise son rêve : il fait ses études
secondaires dans une école de cirque. Une école de cirque de renommée mondiale
! Je sentais donc qu’il s’en remettait à moi sur le redressement de ses
apprentissages du français. Mais il y a une autre raison pour laquelle je
sentais cette lourdeur sur mes épaules : Max a vu deux professionnelles qui
ont tenté en vain de redresser ses apprentissages avant que j’intervienne, et
je sentais que ses parents avaient de grandes attentes sur ma capacité de faire
arriver « un miracle » pour leur fils, mais, surtout, de le faire
arriver dans un temps record.
L’on s’est
alors retroussé les manches, Max et moi. Pendant près de dix mois, je l’ai
amené à développer ses capacités à analyser des textes, notamment le texte
narratif, en lui procurant de l’outillage adéquat. Et, comme la vie fait bien
les choses, l’enseignante de Max m’a aidée à accélérer le processus puisqu’elle
oblige ses élèves à analyser plusieurs nouvelles littéraires par mois. Max
s’est donc entraîné sans relâche au fil des mois à se servir de l’outillage que
je lui procurais.
« DEPUIS
LE PRIMAIRE, JE ME SUIS CONDITIONNÉ À AVOIR DES 60 % ! »
Les
résultats ont commencé à arriver assez rapidement. Mais quelque chose clochait, et ça m’a pris un certain temps
avant de le découvrir : Max faisait les choses avec retenue. Il se servait
de l’outillage, mais ça me donnait l’impression qu’il le faisait comme s’il
tenait un bâton de dynamite dans les mains, comme s’il avait peur que ça lui
pète au visage. Comme si l’outillage était de la dynamite : « Depuis
le primaire, je me suis conditionné à avoir des 60 %, dans mes examens de
français », m’a-t-il avoué, au début d’avril, cette année.
Bien
sûr, l’on en a parlé. Au fil de notre conversation, j’ai compris que Max croit
que c’est temporaire, ce qu’il vit. Il croit que ses résultats extraordinaires,
il les obtient parce que je suis là. J’ai donc établi les faits avec lui :
« Dans les faits, Max, c’est toi qui fais tes examens. Je ne suis pas là,
dans la classe. Dans les faits, mon rôle, c’est de t’entraîner à te servir avec
efficience d’un outillage que j’ai tricoté sur mesure pour les apprenants
TDA(H). C’est tout ! Tout le reste, c’est toi qui le fais. Ce que tu penses de
ton potentiel sur tes apprentissages, c’est un comportement conditionné. Quand
on y pense, tu t’es conditionné à te contenter de peu sur tes résultats
d’examen de français. Tu t’es conditionné à avoir des notes de passage, et ce, pendant
près de neuf ans. Ton ‘’ muscle ‘’ mental est, par conséquent, très fort sur ce
que tu penses de toi sur tes capacités académiques. C’est ce qu’on appelle une programmation mentale.
Que
dois-tu faire pour te reprogrammer ? Eh bien, lorsque tu te prends à
penser que tu ne mérites que 60 % dans tes résultats de français, je te suggère
de te répéter ce qu’un de mes élèves m’a dit un jour:
‘’ Le français est comparable à un lion dans sa tête :
il fait peur quand il surgit. Le combat commence. C’est la crise. On frappe
quelqu’un. On s’enfuit. On dit à ses parents qu’on veut mourir. Puis, à un
moment donné, il se fait un déclic dans la tête. Le lion devient alors ton
ami : tu aimes faire du français, et le français t’aime. ‘’
Benjamin C.
En te
répétant les propos de Benjamin, avec le temps, tu finiras par changer ta façon
de penser sur tes capacités intellectuelles, car, en réalité, Max, tu es un
élève très brillant. Les preuves sont là ! Il n’y a rien d’autre à
ajouter. »
Le temps
jouera en sa faveur : Max finira par s’y faire, à ses 90 %, dans ses examens de
français. Il le faudra bien, Gumby, puisqu’il me reste l’autre partie de ma
mission à accomplir : l’écriture. L’on a commencé à s’y appliquer, Max et
moi, mais l’écriture touche une corde très sensible chez l’apprenant TDA(H),
soit l’aspect psychologique. C’est pourquoi on avance avec prudence.
POUR
L’APPRENANT TDA(H), LE MONSTRE, C’EST L’ÉCRITURE !
Et pour
cause : écrire est l’expression de la pensée. Aussi, si le jeune écrit des
textes incompréhensibles ou bourrés d’erreurs de syntaxe, de grammaire, de ponctuation,
etcétéra, il le prend mal, car, contrairement à la lecture, l’écriture laisse
des traces : lorsqu’il lit un texte, même s’il n’en comprend pas la
moitié, il peut s’en tirer parce que c’est plus subtil puisque ça ne se voit
pas. Mais, lorsqu’il écrit des textes, si ses textes sont incompréhensibles, on
s’en aperçoit lorsqu’on les lit. En fait, ses pairs, son professeur, ses
parents, tout le monde peut s’en apercevoir. Et ça, c’est confrontant. Pis
encore, c’est effrayant. Je t’entends penser, Gumby : tu te dis que
j’exagère sur le sentiment de peur qui envahit très vite un jeune dès qu’il
remet un texte à son professeur. Eh bien, tu sais, la peur, c’est
relatif : pour une souris, un chat, c’est un monstre ; pour l’apprenant
TDA(H), le monstre, c’est l’écriture. Et il en est apeuré.
Par
chance, jusqu’à présent, Max avance avec assurance sur les techniques
d’écriture que je lui procure. Il faut dire que l’outillage y fait pour
beaucoup. En faisant preuve de sagesse, en ne brûlant pas les étapes, l’on
devrait atteindre notre but : faire en sorte que Max parvienne à bien
écrire et à bien corriger ses textes. Le temps nous le dira. D’ici
là, il faut faire preuve de patience et de sagesse. Surtout de sagesse, car, lorsqu’un
apprenant prend des galons en lecture, il a tendance à croire que, le savoir
écrire, ça s’apprend en criant ciseau :
il a hâte de se sentir efficient en écriture.
C’est ce
que je ressens chez Max. Il a hâte d’en arriver là. Et je le comprends. Je
comprends aussi qu’il se soucie de ses parents : il veut leur montrer
qu’il est capable de réussir cet aspect du français comme il l’a fait en
lecture. Il y a autre chose : Max se culpabilise. Il se culpabilise
d’avoir mis du temps à devenir
« bon » en lecture. Et, bien que je sois tentée de vouloir intervenir deux
fois plutôt qu’une, en le rassurant, je m’abstiens. Je
m’abstiens, car Max grandit à travers cette épreuve. Quelque chose de beau
grandit en lui : à son insu, Max se reprogramme. Il se reprogramme au
succès. Il y croit. Il se reprogramme dans un monde où tout est possible pour
lui sur ses apprentissages. Désormais, Max croit qu’il a accès au succès
scolaire dans une matière qu’il a fui depuis son primaire comme la peste.
En fin de compte, cette partie de la mission,
elle va bien se passer. Il faut juste que je retienne les ardeurs de Max en lui
faisant comprendre que l’écriture, c’est comme la lecture : on est prêt
quand on est prêt. C’est comme ça. Pratique, patience et tolérance sont les
mots d’ordre.
En
terminant, Gumby, je te remercie d’avoir pris le temps de m’écouter Je vais
beaucoup mieux à présent.