mardi 30 mai 2017

CHER GUMBY, J’AI ACCOMPLI UNE PARTIE DE MA MISSION !
Cher Gumby, mon Être-Suprême-Intérimaire-De-Dieu.

Puisque je n’ai toujours pas réglé la question de mes croyances religieuses et que je ne désire pas m’adresser à Dieu, je fais à nouveau appel à toi.

Si tu te souviens bien, à cette période-ci, l’an passé, j’avais fait pleurer un adolescent TDA(H), et ça m’avait bouleversée : les yeux remplis de larmes, Max m’écoutait avec attention lui annoncer qu’il accusait plusieurs années de retard sur ses apprentissages en français. Quatre ans de retard en lecture et en écriture, à vrai dire.

Lorsqu’il est sorti de chez moi, j’ai pleuré. J’ai pleuré parce que, bien qu’on me prétende le Département-Des-Miracles, j’avais peur de ne pas être à la hauteur des attentes de Max. De plus, j’avais l’impression d’avoir enfilé une chape de plomb sur mes épaules puisque Max réalise son rêve : il fait ses études secondaires dans une école de cirque. Une école de cirque de renommée mondiale ! Je sentais donc qu’il s’en remettait à moi sur le redressement de ses apprentissages du français. Mais il y a une autre raison pour laquelle je sentais cette lourdeur sur mes épaules : Max a vu deux professionnelles qui ont tenté en vain de redresser ses apprentissages avant que j’intervienne, et je sentais que ses parents avaient de grandes attentes sur ma capacité de faire arriver « un miracle » pour leur fils, mais, surtout, de le faire arriver dans un temps record.  

L’on s’est alors retroussé les manches, Max et moi. Pendant près de dix mois, je l’ai amené à développer ses capacités à analyser des textes, notamment le texte narratif, en lui procurant de l’outillage adéquat. Et, comme la vie fait bien les choses, l’enseignante de Max m’a aidée à accélérer le processus puisqu’elle oblige ses élèves à analyser plusieurs nouvelles littéraires par mois. Max s’est donc entraîné sans relâche au fil des mois à se servir de l’outillage que je lui procurais.

« DEPUIS LE PRIMAIRE, JE ME SUIS CONDITIONNÉ À AVOIR DES 60 % ! »

Les résultats ont commencé à arriver assez rapidement. Mais quelque chose  clochait, et ça m’a pris un certain temps avant de le découvrir : Max faisait les choses avec retenue. Il se servait de l’outillage, mais ça me donnait l’impression qu’il le faisait comme s’il tenait un bâton de dynamite dans les mains, comme s’il avait peur que ça lui pète au visage. Comme si l’outillage était de la dynamite : « Depuis le primaire, je me suis conditionné à avoir des 60 %, dans mes examens de français », m’a-t-il avoué, au début d’avril, cette année.

Bien sûr, l’on en a parlé. Au fil de notre conversation, j’ai compris que Max croit que c’est temporaire, ce qu’il vit. Il croit que ses résultats extraordinaires, il les obtient parce que je suis là. J’ai donc établi les faits avec lui : « Dans les faits, Max, c’est toi qui fais tes examens. Je ne suis pas là, dans la classe. Dans les faits, mon rôle, c’est de t’entraîner à te servir avec efficience d’un outillage que j’ai tricoté sur mesure pour les apprenants TDA(H). C’est tout ! Tout le reste, c’est toi qui le fais. Ce que tu penses de ton potentiel sur tes apprentissages, c’est un comportement conditionné. Quand on y pense, tu t’es conditionné à te contenter de peu sur tes résultats d’examen de français. Tu t’es conditionné à avoir des notes de passage, et ce, pendant près de neuf ans. Ton ‘’ muscle ‘’ mental est, par conséquent, très fort sur ce que tu penses de toi sur tes capacités académiques. C’est ce qu’on appelle une programmation mentale

Que dois-tu faire pour te reprogrammer ? Eh bien, lorsque tu te prends à penser que tu ne mérites que 60 % dans tes résultats de français, je te suggère de te répéter ce qu’un de mes élèves m’a dit un jour:

‘’ Le français est comparable à un lion dans sa tête : il fait peur quand il surgit. Le combat commence. C’est la crise. On frappe quelqu’un. On s’enfuit. On dit à ses parents qu’on veut mourir. Puis, à un moment donné, il se fait un déclic dans la tête. Le lion devient alors ton ami : tu aimes faire du français, et le français t’aime. ‘’
Benjamin C. 

En te répétant les propos de Benjamin, avec le temps, tu finiras par changer ta façon de penser sur tes capacités intellectuelles, car, en réalité, Max, tu es un élève très brillant. Les preuves sont là ! Il n’y a rien d’autre à ajouter. »

Le temps jouera en sa faveur : Max finira par s’y faire, à ses 90 %, dans ses examens de français. Il le faudra bien, Gumby, puisqu’il me reste l’autre partie de ma mission à accomplir : l’écriture. L’on a commencé à s’y appliquer, Max et moi, mais l’écriture touche une corde très sensible chez l’apprenant TDA(H), soit l’aspect psychologique. C’est pourquoi on avance avec prudence.

POUR L’APPRENANT TDA(H), LE MONSTRE, C’EST L’ÉCRITURE !

Et pour cause : écrire est l’expression de la pensée. Aussi, si le jeune écrit des textes incompréhensibles ou bourrés d’erreurs de syntaxe, de grammaire, de ponctuation, etcétéra, il le prend mal, car, contrairement à la lecture, l’écriture laisse des traces : lorsqu’il lit un texte, même s’il n’en comprend pas la moitié, il peut s’en tirer parce que c’est plus subtil puisque ça ne se voit pas. Mais, lorsqu’il écrit des textes, si ses textes sont incompréhensibles, on s’en aperçoit lorsqu’on les lit. En fait, ses pairs, son professeur, ses parents, tout le monde peut s’en apercevoir. Et ça, c’est confrontant. Pis encore, c’est effrayant. Je t’entends penser, Gumby : tu te dis que j’exagère sur le sentiment de peur qui envahit très vite un jeune dès qu’il remet un texte à son professeur. Eh bien, tu sais, la peur, c’est relatif : pour une souris, un chat, c’est un monstre ; pour l’apprenant TDA(H), le monstre, c’est l’écriture. Et il en est apeuré.

Par chance, jusqu’à présent, Max avance avec assurance sur les techniques d’écriture que je lui procure. Il faut dire que l’outillage y fait pour beaucoup. En faisant preuve de sagesse, en ne brûlant pas les étapes, l’on devrait atteindre notre but : faire en sorte que Max parvienne à bien écrire et à bien corriger ses textes. Le temps nous le dira. D’ici là, il faut faire preuve de patience et de sagesse. Surtout de sagesse, car, lorsqu’un apprenant prend des galons en lecture, il a tendance à croire que, le savoir écrire, ça s’apprend en criant ciseau : il a hâte de se sentir efficient en écriture.

C’est ce que je ressens chez Max. Il a hâte d’en arriver là. Et je le comprends. Je comprends aussi qu’il se soucie de ses parents : il veut leur montrer qu’il est capable de réussir cet aspect du français comme il l’a fait en lecture. Il y a autre chose : Max se culpabilise. Il se culpabilise d’avoir mis du temps à  devenir « bon » en lecture. Et, bien que je sois tentée de vouloir intervenir deux fois plutôt qu’une, en le rassurant, je m’abstiens. Je m’abstiens, car Max grandit à travers cette épreuve. Quelque chose de beau grandit en lui : à son insu, Max se reprogramme. Il se reprogramme au succès. Il y croit. Il se reprogramme dans un monde où tout est possible pour lui sur ses apprentissages. Désormais, Max croit qu’il a accès au succès scolaire dans une matière qu’il a fui depuis son primaire comme la peste.

 En fin de compte, cette partie de la mission, elle va bien se passer. Il faut juste que je retienne les ardeurs de Max en lui faisant comprendre que l’écriture, c’est comme la lecture : on est prêt quand on est prêt. C’est comme ça. Pratique, patience et tolérance sont les mots d’ordre.

En terminant, Gumby, je te remercie d’avoir pris le temps de m’écouter Je vais beaucoup mieux à présent.


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