samedi 27 février 2016

RIGUEUR ET CONSTANCE, PREMIER ROUND


LA THÉORIE DES CONTRASTES

C’est connu : tout enfant TDA(H) s’oppose. Les parents cherchent alors à composer du mieux qu’ils peuvent avec le comportement d’opposition de leur enfant qui s’exacerbe au fil des années. Arrivé à l’adolescence, l’enfant est carrément invivable.

Désespérés, les parents ne savent plus quoi faire. Dès lors, à leur insu, ils commencent à s’entraîner à se résigner sur leur enfant, pis encore, à s’opposer à son opposition, ce qui est tout à fait malsain puisque l’enfant doit inévitablement traverser une période de développement cruciale dans sa vie pour devenir adulte, soit l’adolescence, et l’opposition en fait partie.

« Que devons-nous faire ? » me demande alors les parents lorsque je leur tiens ces propos. « Vous devez en prendre conscience et lâchez prise. » Ma réponse suscite presque chaque fois l’étonnement, succédé d’une réaction prévisible des parents : « Mais ça ne change rien au problème. Mon enfant va continuer à s’opposer. »  « Exactement ! »

C’est un fait. Le parent doit d’abord s’entraîner à s’écouter penser, à écouter ses propos sur son enfant au moment où celui-ci s’oppose, peu importe la raison pour laquelle il le fait, avant de penser de lui imposer une conséquence.

C’est la première démarche que les parents doivent entreprendre pour changer le cours de l’histoire de leur vie familiale : s’entraîner à s’écouter penser au lieu de réagir.

Pour vous aider à mieux comprendre cette idée, mais, surtout, pour vous amener à vous réconcilier sur l’opposition, j’ai pensé vous faire lire un extrait du tome III d’Isory Poutch, sur un concept que j’intitule le Monde des Contrastes.

Prêtez-vous au jeu bien que cela puisse vous sembler étrange : lisez cet extrait. Après l’avoir fait, vous ne verrez jamais plus l’opposition de la même manière. C’est promis.

EXTRAIT D’ISORY POUTCH, TOME III, PARTIE 1

–  […] Galinius connaît des jours sombres à notre époque, leur annonça le vénérable : de la guerre, nous n’en connaissions que le mot avant que l’ennemi nous attaque. Depuis lors, la paix d’esprit n’est plus. Elle a quitté les habitants de cette contrée. Je vous regarde et je peux lire la peur qui se profile sur votre visage, jeunes Terriens. Vous êtes accablés. Et je le comprends. On pourrait l’être à beaucoup moins. Mais il ne tient qu’à vous de la surmonter.
S’attendant à ce que l’un d’eux réagisse, le vénérable regarda ses observateurs tour à tour. Mais aucun d’eux ne le fit. À la place, il vit de jeunes Terriens qui affichaient l’air d’initiés en train de se pencher sur la question.
– Vous surmonterez cette peur, continua-t-il, avec conviction, car vous êtes dotés d’une grande force intérieure. Cependant, vous devrez apprendre à vous en servir.
– Et comment devrons-nous nous y prendre ? intervint enfin l’un d’eux.
Il s’agissait de Matt.
     – En suivant un enseignement.
Des regards perplexes se dessinèrent sur le visage de ses observateurs, signe que le vénérable venait d’éveiller leur intérêt en eux ou, à tout le moins, leur curiosité.
– Tout au début…
– Pardonnez-moi, Vénérable, mais vous prétendez qu’il suffit d’un enseignement pour vaincre la peur ! l’interrompit Matt. Et c’est ce que vous vous apprêtez à nous prodiguer ?
– Exactement.
– Ça me paraît…
– … impossible ? finit le vénérable à sa place.
– C’est ça !
– Rare est celui qui y parvient du premier coup, même pour un Terrien doté d’une grande force, telle que celle qui circule dans chacun de vous. En somme, il faudra vous y exercer, comme vous l’avez fait avec vos pouvoirs. Et très vite, vous deviendrez habiles ; vous parviendrez à transformer la peur en une énergie positive.
– Tout cela me paraît si abstrait, dit Esméralda, qui affichait un air ennuyé.
– Et cet enseignement, continua Isory, je présume que les Siriens compagnons le suivent ?
– Non seulement ils le suivent, mais ils finissent très souvent par surclasser leur maître.
– Dans ce cas, nous vous écoutons, Vénérable, dit Nil, qui s’était fait plutôt discret jusqu’à présent.
Le vénérable s’approcha d’eux et commença à leur enseigner les rudiments de la technique de contrôle sur la peur.
– La peur est à l’audace ce que la nuit est au jour. L’idée derrière cette figure de style est de mettre en relief les contrastes. En somme, l’enseignement que je m’apprête à vous donner est basé sur cette idée. Nous appelons cette théorie le Monde des Contrastes.
    – Je m’excuse, Vénérable, intervint Esméralda en levant la main. Mais, là, ça me semble plus incompréhen­sible encore que ça l’était il y a quelques instants.
– Laissez-moi continuer, jeune Terrienne, et vous comprendrez bien assez vite, lui répondit le vénérable. Je disais donc ? Les contrastes. Les contrastes sont partout : dans la nature comme dans la vie de tous les jours. Certains d’entre eux n’auront pratiquement aucun impact dans votre vie. La nuit et le jour en sont un parfait exemple ; d’autres, par contre, vous occasionneront de grands malaises, et le sentiment de peur en fait partie.
– Et que doit-on comprendre à cela ? s’enquit Nil.
– J’y viens, jeune Terrien. Il vous est certainement arrivé d’être victime d’une injustice à un moment donné de votre vie. Injustice à laquelle vous avez réagi, j’en suis sûr.
– C’est normal, non ? répliqua Isory.
     – Très juste ! Mais qu’avez-vous fait lorsque ça s’est produit ? Vous êtes-vous défendus ou avez-vous préféré vous rendre justice ?
Là était la question.
Le vénérable regarda ses apprentis, persuadé que l’un d’eux réagirait. Mais aucun n’osa répliquer.
– Revenons à la peur continua-t-il. Lorsque ce senti­ment vous habite, il vous fait prendre conscience qu’un danger rôde. À partir de cet instant, vous devenez alerte à votre petite voix intérieure. Vous êtes en somme dans un état de méfiance. Parfois, votre peur est telle qu’elle vous paralyse, tellement que vous vous retrouvez dans un état de mutisme. […]
– Quel est le rapport avec les contrastes ? demande Nil.
– C’est pourtant simple : les contrastes sont là pour rester, répondit le vénérable. […] La peur restera toujours un sentiment qui guette chacun de nous, continua-t-il. Elle est comparable à un fauve guettant sa proie. Que peut-on y faire, par conséquent ? En prendre conscience. Voilà ce que vous devez faire : lorsque la peur monte en vous, il faut seulement vous en rendre compte, sans pour autant la laisser vous mener. Autrement dit, elle ne doit pas guider vos actions, bien qu’il faille la laisser suivre son cours.
– Comme le jour et la nuit, commenta Nil.
– Exactement ! Et, comme le jour s’incline devant la nuit, la peur cède sa place à l’assurance.
– Autrement dit, on ne doit pas lui accorder trop d’importance, ajouta Nil.
– En fait, plus vous y penserez, plus ce sentiment dominera votre esprit. Cela ne veut pas dire de l’ignorer, bien au contraire. Vous devez simplement lui accorder la place qui lui revient, ni plus ni moins. C’est simple, non ?
– C’est plus facile à dire qu’à faire, le corrigea Isory. Lorsqu’il s’agit d’un être cher, et que cet être cher est malade, là, c’est une autre histoire.
Isory regarda par terre, comme si elle était en train de réaliser à l’instant le sens des derniers mots qu’elle venait de prononcer.
Ce dont le vénérable s’aperçut.
– Je te le concède, Isory, dit-il d’une voix douce et réconfortante. La peine que tu éprouves, en ce moment, est justifiée, car c’est de ta mère dont il s’agit ici, n’est-ce pas ?
Isory hocha la tête en guise d’acquiescement.
– Mais dans ton esprit, il y a plus encore, continua-t-il. Tu perçois cette peine comme quelque chose d’incorrect, tel un microbe dont on cherche à se débarrasser. C’est pourquoi ta souffrance est si grande. Malheureusement, ce sentiment ne changera rien à la situation, tout comme il n’a rien changé jusqu’à présent, puisque ta mère est aussi malade aujourd’hui qu’elle ne l’était hier. La seule voie, celle qui te libérera de cette souffrance, est d’accepter cette peine comme faisant partie d’un processus normal, celui du monde des vivants. Seulement, à partir de ce moment-là, la paix d’esprit tu retrouveras. […]

Pour conclure cet article, j’ose me répéter : tout parent d’enfant TDA(H) doit s’entraîner à s’écouter penser. Il doit apprendre à se réconcilier avec l’opposition. L’entraînement est ici le mot-clé pour le parent qui désire accomplir cette tâche avec efficience. Et il doit s’y appliquer avec constance et rigueur, et ce, jusqu’à ce que son enfant devienne adulte.

Avant de vous laisser, je vous donne une information sur le 2e round de cette série d’articles. Il sera question de la manifestation de l’opposition chez l’enfant TDA(H), vue sous l’angle des apprentissages : s’entraîner à distinguer l’opposition liée à l’adolescence de l’opposition liée au trouble oppositionnel chez l’enfant, au moment où il exécute ses devoirs et ses leçons de français à la maison.

 Donc, chers parents d’enfant TDA(H), je vous souhaite bon début d’entraînement. 

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