mardi 19 avril 2016

RIGUEUR ET CONSTANTE, TROISIÈME ROUND : LE CAPITAINE CROCHET CONTRE PETER PAN





Ce ne serait pas merveilleux d’avoir un enfant ! C’est le genre de réflexion qu’on tous les jeunes couples à un moment donné de leur vie. À ce sujet, je serais curieuse d’entendre le point de vue des couples qui en ont un et dont l’enfant est aux prises avec un TDA(H).

À mon avis, ceux-ci opteraient pour une version… disons plus illustrée : « Oubliez Alice au pays des merveilles et pensez plutôt au capitaine James Crochet et à Peter Pan » auraient-ils envie de leur dire, à ces couples qui rêvassent d’une belle petite vie de famille.

Si, dans l’histoire, c’est un crocodile qui s’empare du bras du Capitaine Crochet, eh bien, dans la vraie vie, c’est l’enfant TDA(H) qui, prenant des allures de Peter Pan, grignote les nerfs de ses parents, dès qu’il entre dans sa période d’adolescence.

Et je suis convaincue que plusieurs parents se sont dit ceci, en lisant soyez un port d’attache pour votre adolescent, dans mon article Rigueur et constance […], j’en ai le mal de mer, partie du texte où je fais référence aux parents à qui je propose d’agir comme un guide pour leur jeune : « J’opterais plutôt pour l’attacher sur le port ! » me lanceraient-ils sur leur adolescent qui leur fait perdre toute notion de bienséance. C’est vrai ! L’adolescent TDA(H) donne du fil à retordre.

PETER PAN EN PLEINE PUISSANCE

À la moindre petite remarque de ses parents, le jeune se met à crier contre eux, leur siphonnant au passage leur énergie. Pis encore, il leur lance un raz-de-marée d’insultes. Peter Pan s’affirme. Et il le scande haut et fort.

Déboussolés, les parents ne savent plus comment se comporter avec leur jeune qui cherche à tout prix à prendre le contrôle de sa vie. Et ils craignent que celui-ci rompe l’équilibre familial, équilibre qu’ils ont eu de la difficulté à maintenir en place d’année en année.

Survivre est le mot-clé pour les parents. Et, pour qu’ils y arrivent, ceux-ci doivent être méthodiques. En fait, plus que jamais, ils doivent être constants et rigoureux dans leur approche, dans leurs propos et dans leurs actions envers leur adolescent.

Aussi, les parents doivent apprendre à interpréter avec efficience les réactions de leur jeune : agit-il par opposition sur ses apprentissages, un trait de caractère qui se développe chez tous les enfants TDA(H), ou s’agit-il d’une incapacité de se contrôler sur ses émotions, une réaction due à son cerveau que continue de se développer ?

À QUI LA FAUTE ? À SES RÉFLEXES CONDITIONNÉS OU À SON CERVEAU EN DÉVELOPPEMENT.

Les parents doivent d’abord se remémorer comment était leur enfant sur ses apprentissages du français avant qu’il entre dans sa période d’adolescence. Il s’agit de comportements conditionnés que leur enfant a développés au fil des années, une forme de « compensation à être », puisqu’il s’est senti incompétent, ce qui, très vite, l’a amené à détester le français puisque cette matière l’a incité à éviter de se comparer à ses pairs. Autrement dit, le français l’a incité à jeter par-dessus bord son système d’émulation, qui est la base de l’estime de soi de l’être humain.

Je propose donc aux parents d’écrire, dans un carnet, les comportements conditionnés de leur enfant qu’ils parviendront à identifier. Cette étape est très importante, et les parents ne doivent pas la négliger. En fait, je leur conseille de prendre le temps de la réaliser. Cela leur permettra plus facilement d’observer leur enfant sur ses réflexes conditionnés sur ses apprentissages du français lorsqu’ils se trouveront dans le feu de l’action. Voici des exemples de réflexes conditionnés :
  • Enfant, mon garçon me répliquait tout le temps qu’il préférait faire seul ses devoirs lorsque je cherchais à l’aider à les faire. La plupart du temps, il les faisait sans y mettre de l’assiduité. Autrement dit, il les faisait pour s’en débarrasser.
  • Il me répondait tout le temps qu’il avait fini de faire ses devoirs de français et qu’il les avait déjà mis dans son sac d’école lorsque je lui demandais de me les montrer.
  • Il me contredisait tout le temps sur les devoirs que son professeur lui demandait de faire le soir, m’affirmant qu’il pouvait les faire le lendemain.
  • Il me disait très souvent qu’il n’avait pas de devoirs à faire à la maison.
  • Lorsque je lui demandais comment ça s’était passé son examen de français, il me répondait toujours la même chose : « Très bien. Je l’ai trouvé facile à faire. »
  • Ça arrivait qu’il me mente lorsque je le questionnais sur ses devoirs de français à faire à la maison : « Je n’en ai pas. »
  • Il me prétendait souvent que son enseignante n’avait pas eu le temps de corriger l’examen lorsque je lui en demandais le résultat.
  •  Il me répondait qu’ « il avait raté son examen parce qu’il n’avait pas pris le temps d’étudier les jours précédant l’examen », lorsque je lui montrais le mémo que l’enseignante m’avait envoyé pour m’informer de son résultat catastrophique.
  • Sur son incompréhension des notions enseignées en classe, il mettait ça souvent sur le dos de la professeure, prétextant qu’elle les enseignait mal.

En somme, les parents doivent établir des liens entre les comportements inadéquats qu’a adoptés son enfant au fil des années et les tâches qu’il a cherché à éviter de faire pendant tout ce temps.

Lorsqu’ils y arrivent, les parents comprennent vite que leur enfant s’est conditionné à adopter ces comportements parce qu’il était motivé à le faire, parce qu’il était motivé à protéger son estime personnelle puisqu’il le sentait menacée parce qu’il a commencé très vite à avoir de la difficulté à comprendre les notions de français qu’on lui enseignait à l’école.

Les parents doivent ensuite interpréter les comportements et les réactions survoltées de leur adolescent qu’induit le développement de son cerveau. Par exemple :
  • Mon adolescent me tient des propos injurieux lorsque je lui demande de mettre de l’ordre dans sa chambre.
  • Il me pique une crise chaque fois j’ouvre la porte de sa chambre, et ce, même si je cogne avant de le faire.
  • Il s’embarre longtemps dans la salle de bain, refusant de céder la place aux autres membres de la famille.
  • Il sort de la maison par sa fenêtre de chambre – ou par une autre manière – lorsque je lui impose une conséquence.
  •  Il est à couteau-tiré dans l’auto avec son frère ou sa sœur en fin de classes.
  • Il brandit son poing à son frère lorsque celui-ci l’agace sur son acné.
  • Il me rit au visage lorsque je lui fais voir qu’il me manque de respect.
  •  Il ne respecte pas les règles familiales.
Le parent s’aperçoit vite que les éléments mis en cause sont liés à la recherche d’identité du jeune, à son désir de prendre le contrôle de sa vie, plutôt qu’à un désir de protéger son estime de lui. Et c’est justement là où le bât blesse sur ses apprentissages : le jeune adopte une attitude inflexible dès que son parent cherche à savoir comment il performe sur ses apprentissages.


LE PARENT, L’INCARNATION MÊME DU CAPITAINE CROCHET

Le problème est que l’adolescent perd de vue le rôle que joue son parent, soit un adulte qui l’encadre. Il le perçoit comme un être doté d’une personnalité froide, dure et tranchante. L’incarnation même du Capitaine Crochet, quoi ! Un être dominant, rationnel, qui lui laisse peu de place sur son monde imaginaire, sur tout ce qui lui rappelle le monde qu’il vient à peine de quitter, c’est-à-dire son enfance.

Le parent doit alors apprendre à communiquer différemment avec son adolescent. Il doit lui tenir des propos objectifs sur ses apprentissages, établir les faits sur son comportement sur ses apprentissages, tout en lui faisant sentir qu’il comprend bien qu’il est désormais à la barre de son navire, mais qu’il y a des eaux où il doit éviter de naviguer : les limites du parent et les règles familiales.

En effet, l’adolescent doit comprendre qu’il y a des limites qu’il ne doit pas dépasser et des règles familiales qu’il doit respecter, que le parent a préétablies, bien sûr. En d’autres mots, le parent apprend à responsabiliser son adolescent sur ses actes et sur ses comportements, tout en lui faisant comprendre qu’il a des valeurs qu’il tient à faire respecter.

Lors de ses échanges avec son adolescent, bien que ce ne soit pas toujours évident à faire, le parent gagne beaucoup à se servir de l’humour lorsqu’il lui démontre de l’empathie :

« Peut-être me perçois-tu comme le Capitaine Crochet lorsque je te tiens des propos sur tes  devoirs, sur tes leçons ou sur tes résultats scolaires. Je peux le comprendre et je ne cherche pas ici à en changer ta perception. L’adolescence est une période difficile à traverser puisqu’elle provoque des conflits intérieurs.

Cela dit, c’est à toi que revient la tâche d’apprendre à te conscientiser sur tes émotions lorsqu’elles montent en toi et qu’elles te causent des conflits intérieurs ou qu’elles t’incitent à adopter un comportement conditionné qui te poussent à ne pas faire tes devoirs, comportement que tu as conditionné au fil des années pour protéger ton estime de toi, ton trouble d’apprentissage t’incitant à le faire. Cet exercice mental t’apprendra à gagner de la maturité émotionnelle.

Mais si tu sens que tu perds-pieds, que tu perds le contrôle de ta vie et que tu as le besoin d’en parler à quelqu’un, tu peux venir me voir. J’incarnerai le rôle de Nana, la chienne adorée de Peter Pan. Trêve de plaisanteries, mon grand ! Je suis là pour toi si tu sens le besoin de parler à quelqu’un. Mais tu peux aussi choisir quelqu’un d’autre que moi pour le faire, un adulte bienveillant sur qui tu peux compter, par exemple. Voilà ! Je te laisse penser à tout ça. Je t’aime très fort. »

Au bout d’un moment, un climat de respect s’installe : le parent laisse l’adolescent diriger son navire et l’adolescent parvient à garder le cap.

En fin de compte, James Crochet n’a rien de bien méchant et Peter Pan accepte de grandir. Comme quoi la réalité peut parfois dépasser la fiction !



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